Chose promise, chose due, voici donc mon second blog pour vous raconter des paroles d’écrivaines après avoir mis des compositrices en lumière.
Mais permettez-moi encore une réflexion après les fabuleuses pièces entendues jeudi soir : quel dommage que l’on prive l’humanité, des femmes et des hommes, de l’écoute de ces talents, de cette fabuleuse force créatrice, juste parce qu’elles sont étiquetées compositrices et que, forcément, elles font de la petite musique, de la sous-musique, juste bonne à être appréciée par des dames de bonne famille. Les interprètes ont découvert Caroline Boissier-Butini et Caroline Charrière et ne vont pas les lâcher de sitôt.

Grande qualité d’écoute

Bon bref, revenons à nos moutons, ou plutôt à nos brebis. Sous la bannière du français à l’ère de l’IA et de l’écriture en français, vendredi à l’Intercontinental et samedi à la Société de lecture, quinze éditrices, chercheuses, expertes et écrivaines secouent, chavirent, chamboulent un public nombreux et captivé. A juste titre, car il est rare, très rare d’avoir autant de compétences, de talents d’ici et d’ailleurs mis au service d’une cause, celle du français. Et d’avoir au sein d’un panel autant de diversité et de qualité d’écoute, de curiosité de l’autre.
Plusieurs choses émergent de ces conférences. Si le français est ébranlé dans son hégémonie très « Académie française », il est loin d’avoir perdu la bataille contre l’anglais principalement, car il est très présent dans d’autres pays francophones qui se l’approprient, qui l’enrichissent, qui, quelque part le rendent plus charnu, plus frappant. Bien habillée, on m’a dit qu’au Sénégal, avec ma tenue, je « massacre » ; d’une copine regardant ma copie à l’école, on aurait dit qu’elle « girafe, et que penser de « serpiller » un sol. Le français est donc bien vivant mais il faut être en capacité de l’entendre.

Étiquettes stéréotypées

Quant à l’IA, même pas peur, car il lui manque le corps, le geste de l’écriture, la nécessité d’écrire qui fait corps avec les mots… Sûr par contre qu’il faut aider les plus jeunes à être critiques, à différencier les types de texte, avec ou sans âme, avec ou sans algorithmes.
Unanimité autour de la question des étiquettes stéréotypées : « est-ce que l’on dirait à un écrivain qu’il est un écrivain homme et blanc ? ». Non ! Alors que les femmes sont constamment étiquetées : femme écrivain, femme écrivain mauricienne, noire, genevoise…Leur enlevant ainsi la capacité d’être universaliste, d’écrire comme un être humain, de créer des personnages qui ont leur vie propre, hors de leur vie à elles. Mais peut-être que cette force créatrice effraye. Au fond, en l’affublant d’étiquettes réductrices, on la maintient, on la tient en laisse, et avec le temps, on la rend invisible, anecdotique. Tout comme les femmes sont rendues invisibles dans les interprétations de la Bible, ou encore sont si peu présentes dans les médias (env. 26%).

La poésie surgit

Pour les unes et les autres, l’écriture permet de se rafistoler peu à peu, ou de se mettre dans la peau d’autres personnes : « je ne suis pas moi lorsque j’écris, je ne suis pas femme, genevoise, ou que sais-je, je suis écrivaine et des mots viennent à moi, des histoires viennent à moi. »
Même chose pour le type d’écrit, un sujet va requérir la forme de la nouvelle, un autre le souffle du roman, de l’essai ou de la pièce de théâtre. A propos de souffle, l’habitude de la chronique judiciaire calibrée peut compliquer la création d’un roman policier moins millimétré. La poésie, elle, surgit comme ça, une nécessité. Même nécessité de poser au bord d’un trottoir, dans un cahier, des douleurs qui empêchent de se relever. Ou bien des études faites en anglais, mais l’écriture, sérieuse, tripale, elle, « a choisi » le français, dès l’enfance.

Des mots pour dire la vie des femmes

Il est aussi question du MOI, du JE, de la folie des femmes qui osent écrire ou penser, des mots qui n’existent pas pour dire ce que font les femmes, du français choisi comme langue d’expression parce que le vocabulaire est riche et que la langue d’origine, la langue de la mère, n’a que quelques mots pour dire oui, pour acquiescer, toujours. Et puis l’écrivaine Alice Rivaz, en conclusion, dans une vidéo, qui explique avoir voulu dans son œuvre donner une voix aux femmes, dire leur vie, vraiment.

Programme off plébiscité

Une chose est sûre, ces créatrices donnent force et courage au public et enthousiasment une Lucienne Lanaz, formidable cinéaste à la mèche bleue, descendue de son Jura pour nous présenter un extrait de son film « Vous avez dit Soroptimist ? », lequel nous permet de revoir Laurence Deonna, grand reporter, féministe engagée pour la paix et chère amie sorsoptimiste.
En soirée, Christina Kitsos, maire de Genève, nous accueille au Palais Eynard avec un discours engagé et me dit avoir été portée par notre vrai soutien amical.

Société de lecture

Samedi 2 mai, nous écoutons Isabelle Bary, écrivaine belge, récipiendaire du 7ème Prix Soroptimist de la romancière francophone en 2014. Elle nous parle de son dernier livre : Le second printemps, paru cette année aux éditions 180°, et dédié aux femmes de Kaboul. Vive et chaleureuse, elle répond à toutes nos questions, allant du pourquoi ce livre autour de la cinquantaine, aux questions du voile ou pas, en passant par la liberté et son ancrage belge. Elle dédicace ensuite de nombreux ouvrages en présence de son éditeur, Robert, enchanté de ce moment d’échange.

Entre écriture et nourriture terrestre

A sa suite, notre présidente de l’Union Suisse, Jolanta Jozefowski, rayonnante et ravie, nos dit son plaisir d’avoir partagé ces trois jours au rythme de la création féminine avec nous. En conclusion, elle propose de faire don d’un rosier, symbole de sa lutte contre le cancer du sein, à planter dans les jardins de l’ONU. Affaire à suivre !
Tout cela dans le magnifique salon jaune de la Société de lecture, écrin niché en Vieille-Ville de Genève. Le buffet de Fadya, musicienne elle-même, réfugiée druze, a enchanté nos palais.
Quant au programme off : visite de l’ONU, du Musée de la Croix-Rouge, de celui de la Réforme et le tour de ville au féminin, il a été suivi et plébiscité.

P.S. J’en profite pour remercier toute l’équipe présente avec moi pour la réussite de cette aventure, pour les mets délicieux concoctés par des associations, Ademag pour les magnifiques fleurs en papier et toutes les personnes (plus d’une centaine de Suisse, Belgique, Luxembourg, Italie et…Dubaï) qui nous ont suivies durant ces trois jours. Un grand remerciement également à nos sponsors, à Robin, le technicien qui n’a pas failli et au prévenant personnel de l’Intercontinental.

 

Crédit photographique pour l’ensemble des photos Karine Genilloud et Pierre Lehmann pour le Palais Eynard.

Last Post
Topics
No topics.
Related Posts
Loading Conversation